À la poursuite de Norman

Pour plusieurs historiens, l’espionnage est au cœur des études sur la guerre froide. La peur des espions était déjà grande dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale. Mais depuis les années 1940, elle était devenue la matière première des films, des romans et des écrits scientifiques. Récemment, cette obsession a été ranimée par la parution de nouveaux renseignements provenant de la U.S. National Security Agency [l'Agence de sécurité nationale des États-Unis]; des renseignements qui démontrent hors de tout doute que l’Union soviétique procédait à des activités d'espionnage à l'Ouest, et cela, depuis les années 1930. Il ne faut cependant pas oublier que la preuve de la conspiration soviétique a été trouvée parce que les États-Unis et ses alliés espionnaient eux-mêmes l’URSS. Par exemple, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, les pays occidentaux ont intercepté et noté des centaines de milliers de messages entre Moscou et ses diplomates, ses représentants commerciaux et ses espions soviétiques.

En plus de déchiffrer les messages, une activité bien portante vers la fin des années 1940, l’Ouest recevait également des renseignements des transfuges soviétiques tels que Igor Gouzenko, un chiffreur qui a travaillé à l’ambassade soviétique à Ottawa jusqu’en septembre 1945. Les documents fournis par Gouzenko ont dévoilé le rôle important joué par les partis communistes à l’Ouest dans les questions d’espionnage. Les agences de sécurité nationale comme la Gendarmerie royale du Canada et le FBI [Federal Bureau of Investigation] américain avaient les partis communistes à l’œil depuis le début des années 1920. Ils voyaient ces partis principalement comme des menaces révolutionnaires au système capitaliste. Mais Gouzenko a fait remarquer que le Parti communiste du Canada était actif d’une autre façon, c’est-à-dire comme agence de recrutement pour les Canadiens qui étaient prêts à donner de l’information aux Soviétiques.

Cette divulgation a ouvert un tout nouveau domaine d’enquête sur la sécurité nationale pendant la guerre froide. La GRC et le FBI possédaient déjà de longues listes de personnes considérées comme des communistes. Gouzenko a dévoilé de nouveaux noms. On devait enquêter sur ces suspects et leurs associés, et des recoupements devaient être effectués entre ces deux répertoires. Bien que les agents de la GRC et du FBI auraient décrit leurs activités en termes moins réjouissants, ils sont rapidement devenus des Pères Noël, faisant des listes et les vérifiant deux fois (ou plus) avec l’intention de trouver qui était vilain et qui était gentil. En 1950, le nom de Herbert Norman se trouvait sur plusieurs listes. Les agences de sécurité nationale ont jugé qu’il était temps de décider à quelle catégorie il appartenait.