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Herbert Norman était un des fonctionnaires canadiens les plus doués. Au cours des 18 années qu’il a passées au ministère des Affaires extérieures, il a représenté le Canada dans des postes stratégiques aux États-Unis, au Japon, en Nouvelle-Zélande, au Liban et en Égypte. Mais au matin du 4 avril 1957, il a pris l’ascenseur jusqu’à l’étage supérieur d’un édifice de neuf étages, le seul endroit qu’il connaissait où il pourrait s’enlever la vie sans mettre en danger celle des piétons, et sous un ciel bleu, il a sauté. Les raisons de ce suicide sont encore enrobées de mystère. Mais une chose est certaine : en sautant vers sa mort, Herbert Norman est devenu la victime la plus connue et la plus tragique de la guerre froide au Canada.

Les Canadiens aiment se vanter de ne pas avoir succombé à la « chasse aux sorcières démentielle », comme l’a ultérieurement décrite le premier ministre Lester Pearson. Mais la guerre froide était un phénomène mondial qui n'a pas épargné le Canada. Il était inévitable que, pendant la guerre froide, la proximité des deux pays et la similitude de leurs systèmes politiques entraînent une certaine migration vers le nord des façons de pensée et des méthodes de travail ayant cours au sud du 49e parallèle. La guerre froide y a propulsé des personnages mémorables au-devant de la scène politique, tels que John Fitzgerald Kennedy, encore vénéré pour la fermeté de ses actions lors d'une confrontation au temps de la guerre froide et le sénateur Joseph McCarthy, généralement condamné pour avoir préparé une potion toxique avec les peurs profondes des Américains.

La loyauté de Herbert Norman était incontestable aux yeux de ses collègues. Par contre, les agences de sécurité nationale au Canada et dans ses pays alliés nourrissaient depuis longtemps des doutes à son sujet. Les partisans de la guerre froide aux États-Unis ont ouvertement jeté le doute sur son allégeance. En 1957, plusieurs personnes avaient conclu que le maccarthysme était chose du passé. Le président américain, Dwight Eisenhower, a d'ailleurs prononcé une phrase restée célèbre à cause de son jeu de mots sur le présent et le passé du verbe être [en anglais] : McCarthyism is McCarthywasm . McCarthy était proche de la mort. Mais ce was, signifiant la fin du maccarthysme, n’a donné aucune paix à Herbert Norman.

Sa mort dramatique a mis fin à ses tourments personnels, mais n’a accordé aucun repos à son héritage. Même si plus d'un demi-siècle nous sépare de cet évènement, la mention de son nom suffit à faire naître les débats les plus passionnés. Qu’est-ce qui l’a poussé à se suicider? Avait-il vraiment été un communiste dans sa jeunesse? Si oui, quel type de communiste avait-il été? Un marxiste intellectuel ou un inconditionnel du Parti? Le communisme était-il un parasite incurable qui n’a jamais quitté sa proie? Est-ce que le fait d’être un communiste se traduisait automatiquement par une allégeance à l'Union soviétique, le pays communiste le plus en vue à l'époque? Est-ce que Norman s’est tué pour cacher les services rendus à l’URSS? A-t-il sauté parce que, selon la rumeur de l’époque, il aurait été obligé de subir un interrogatoire et de trahir environ 60 ou 70 agents soviétiques? Est-ce que Norman ne s’est pas plutôt enlevé la vie parce qu’être exposé publiquement comme un communiste pendant la guerre froide voulait dire qu’une personne pouvait perdre sa carrière, aller en prison et s’y faire tuer? Parce qu’il croyait qu’il ne pourrait jamais laver sa réputation? Le fait que ces questions demeurent encore sans réponse est une des raisons qui expliquent pourquoi le sujet de la loyauté de Norman est encore si controversé aujourd’hui.

Ce site vous invite à vous plonger dans la guerre froide telle que vécue au Canada et au-delà de ses frontières. C’était une époque où les autorités américaines et canadiennes étaient convaincues que le « monde libre » était en danger. C'était une époque qui n’était pas si différente de la nôtre. En 2002, l’ingénieur informatique canadien, Maher Arar, en a fait la pénible expérience. Ce citoyen canadien né en Syrie a été arrêté à New York et envoyé secrètement en Syrie où il a été torturé pendant des mois sur la foi d'une évaluation du Service canadien du renseignement de sécurité, de la Gendarmerie royale du Canada et de leurs vis-à-vis américains selon laquelle il était un terroriste islamique. En 2003, Maher Arar a été libéré et retourné au Canada où, en 2006, il a été innocenté à la suite d’une enquête publique. Il est cependant maintenu par les autorités américaines sur une liste de suspects à surveiller.

Herbert Norman n’a eu droit à aucune enquête publique pour évaluer sa loyauté. Cette tâche est maintenant entre vos mains.