Documents gouvernementaux

Les bureaucraties modernes produisent des milliers de types de documents dont plusieurs sont représentés sur ce site, notamment un grand nombre de rapports de la Gendarmerie royale du Canada et du Federal Bureau of Investigation [FBI]. Lorsqu’on utilise ces documents, il faut porter attention au contexte dans lequel ils ont été produits. Dans les années 1950, la Division spéciale de la GRC, la section qui s’occupait des questions de sécurité nationale, était encore une petite section. Peu d'officiers de la GRC avaient une éducation postsecondaire. En conséquence, lorsque les officiers de la GRC, Terry Guernsey et George McClellan, se sont assis de l’autre côté de la table pour interroger Herbert Norman, des hommes avec un diplôme de niveau secondaire et des connaissances assez limitées du monde se sont retrouvés face à un détenteur d’un doctorat qui avait vécu et voyagé dans plusieurs pays. Que pouvait-il se passer dans la tête de chacune de ces personnes lors de ces longs interrogatoires dont la transcription est reproduite dans le site? Puisque la Division spéciale était une petite unité qui connaissait peu le monde du renseignement, elle avait également tendance à admirer les agences plus expérimentées de la Grande-Bretagne et des États-Unis, à les prendre pour modèles et à se fier aux renseignements qui en émergeaient. Cela était particulièrement important pendant la guerre froide, alors que l’Ouest faisait face à l’appareil soviétique du renseignement, un service monolithique et impitoyable. Comment pensez-vous que cette situation a influencé l'orientation que les officiers de la GRC ont donnée à l’interrogatoire de Norman? Quant au FBI, tout comme la GRC, il avait la double fonction de voir à la criminalité et au renseignement. Mais le directeur du FBI, J. Edgar Hoover, qui était à la tête de l’organisme depuis 1924, s’intéressait depuis longtemps aux questions de sécurité. Pendant la guerre froide, ces questions étaient très médiatisées et Hoover y portait une grande attention et en gardait le contrôle.

Un autre type de documents que vous retrouverez régulièrement dans le site est la correspondance diplomatique, notamment les télégrammes, les lettres et les rapports. La diplomatie est souvent considérée comme synonyme de discrétion, de circonspection et de tact. Cela se perçoit très bien dans les écrits diplomatiques inclus dans le site. Les gouvernements comptent sur leurs diplomates pour leur donner de l’information objective sur des évènements qui se passent dans un pays étranger. Les nuances sont d’une importance capitale. Un malentendu peut provoquer un incident international. Pour écrire des articles de journaux qui sont exacts, il est important de pouvoir interpréter les évènements. Cela est tout aussi vrai en diplomatie et ce talent est sans aucun doute un des atouts par lequel on reconnaît les meilleurs diplomates. Pouvoir mettre un évènement en contexte et lui donner une signification requiert intelligence et perspicacité. Lorsque cela est bien fait, un tel travail peut être comparé à une œuvre d’art.

À cette époque, la diplomatie canadienne faisait également face au problème de la guerre froide. Les diplomates devaient naviguer en eaux troubles et porter attention aux ennemis et aux amis. Chaque diplomate canadien devait savoir à chaque instant comment son rapport serait reçu à Ottawa, mais aussi ce qu’il pouvait contenir sur les relations entre Ottawa et Washington. Cela s’appliquait en particulier aux rapports diplomatiques préparés par Herbert Norman lorsqu’il était en poste dans des endroits aussi complexes que Tokyo et Le Caire. Chaque mot était important dans un rapport diplomatique et les rapports de Norman avaient la réputation d’être les meilleurs dans le genre.

Officiellement, les documents gouvernementaux n’incluent pas la transcription des débats de la Chambre des Communes, le Hansard. Dans le système canadien, un parti politique compose le gouvernement. Mais plusieurs partis sont représentés à la Chambre des communes. Afin de limiter les types de documents inclus dans le site, nous avons décidé de considérer la transcription des débats de la Chambre de communes comme des documents gouvernementaux. Plusieurs déclarations faites par les membres du Parlement et notées dans le Hansard sont truffées d’expressions stéréotypées, d'expressions convenues. Mais lorsqu’il se passe des moments dramatiques, par exemple les jours qui ont suivi la mort de Herbert Norman, il y a des débats politiques d’une grande intensité. Les politiciens savaient bien que les Canadiens étaient outrés par la mort de Herbert Norman et ils voulaient en connaître la cause. Pendant ces jours du début d’avril 1957, les discours des politiciens étaient empreints de fougue et de passion alors qu’ils tentaient de mettre des mots sur les sentiments des Canadiens. Les élections fédérales qui devaient se tenir à peine deux mois plus tard, le 10 juin 1957, provoquaient aussi les parlementaires à s’attaquer aux points faibles.