En réponse à une résolution de paix de l’U.R.S.S. : le discours de Pearson aux Nations Unies

30 octobre 1950

[ His Masters Voice ]

La voix de ses maîtres, Inconnu, 1963-04-01, Les anticommunistes américains avaient une opinion de Lester Pearson; les nationalistes canadiens en avaient une autre. Cette caricature a circulé dans les bureaux des syndicats à Vancouver en 1963.

Nous approchons de la fin de ce qui devient maintenant un évènement annuel à l’Assemblée [des N.U.], soit un débat général sur les notions fondamentales de la paix. Je ne suis pas certain que ces débats contribuent même un tant soit peu au processus de paix; ni les résolutions qui en émergent et qui auront tendance inévitablement à revenir d’année en année. On pourrait même argumenter que la violence du langage utilisé lors de ces discussions afin de souligner et de grossir les divergences crée une atmosphère qui rend encore plus difficile le processus de paix. Se servir des journaux n’est pas la meilleure façon de régler les divergences, surtout lorsque les manchettes font référence à des phrases soviétiques telles que « calomnies démesurées », « insinuations grossières », « bavardages insensés » ou « glapissements enragés de bellicistes ». Je voudrais déposer ma propre proposition de paix. Je propose un moratoire de deux ans sur les discours belliqueux et violents sur la paix aux Nations Unies et un essai de deux ans pour agir efficacement pour la paix.

La résolution soviétique contient un appel aux membres permanents du Conseil de sécurité pour qu’ils travaillent pour la paix et pour qu'ils concluent un accord.

[…]

Si ce débat ne démontre rien d’autre, il aura montré [...] la largeur du gouffre qui sépare les deux mondes et la profondeur de la peur qui empêche la construction d’un pont pour le traverser.

Dans son discours l’autre jour, M. Vishinsky,[…] met la responsabilité de toute cette peur et de toutes ces divisions sur les États-Unis, le chef de file de ce qu’il nomme le bloc anglo-américain. Pour appuyer cette accusation « monstrueuse, diffamatoire », j’utilise ses propres adjectifs, il a produit les articles de journaux et de magazines habituels sur les discours et les déclarations faites par les Américains. Cette façon de faire ne convainc plus personne depuis longtemps. […]

La vérité est que les nations du monde à l’extérieur du bloc soviétique savent que le pouvoir des États-Unis ne sera pas utilisé pour déclarer une guerre d'agression. Ils savent que les politiques américaines, même si nous ne les appuyons pas toujours ou même si nous ne les approuvons pas, ne sont pas conçues pour la guerre. Si elles l’étaient, ce pays serait rapidement isolé du reste du monde libre. Nous jugeons les États-Unis comme ils voudraient être jugés, non pas par les coupures de journaux de M. Vishinsky, mais par ses actions; tout comme nous jugerons les politiques de l’U.R.S.S. par ses réactions lorsque les États-Unis retireront ses troupes victorieuses de la Corée dès que la paix sera restaurée. Est-ce que M. Vishinsky accepte ce fait comme étant au moins une preuve voulant que les Américains n'essaient pas de dominer le monde?

Au Canada, nous connaissons très bien ce pays et sa population. Nous les connaissons comme étant de bons voisins qui respectent les droits des autres, qui ne demandent, ni ne reçoivent l’appui de pays plus petits en faisant des pressions, des menaces ou des promesses. Nous savons qu’ils admettent que la coopération entre les grands et les petits pays ne puisse exister que sur la base de la confiance et du respect mutuels. Si le gouvernement soviétique permettait à sa population d’apprendre la vérité sur les États-Unis au lieu de ne parler que des pires caractéristiques concernant la vie et la culture américaines, il contribuerait réellement au retrait de cette peur qui, en ce moment, est installée directement et délibérément dans la tête et le cœur de la population soviétique.

[...]

Source: Lester Pearson, "En réponse à une résolution de paix de l’URSS : le discours de Pearson aux Nations Unies" in Words and Occasions, (Boston, MA: Harvard University Press, 1970), 97-98

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