BARBARIE SAUVAGE – Il y a quelque temps, un Italien travaillant dans un camp de bûcherons quelque part du côté Northumberland de la frontière entre ce dernier comté et celui de Queen, a eu les jambes si sévèrement gelées qu’elles ont toutes deux dû être amputées. Les gens du camp étaient, croyons-nous, des résidants de la paroisse de Chipman, dans le comté de Queen. Quoi qu’il en soit, il a été transporté dans cette paroisse qui a dû le prendre en charge. Les contribuables de la paroisse ont été très intolérants à l’égard de ce fardeau et se sont plus d’une fois consultés pour déterminer la meilleure manière de s’en débarrasser. On raconte qu’une personne a tout bonnement offert de supprimer l’Italien pour la somme de 5 £. Il n’a pas dit comment il entendait s’y prendre pour y arriver, mais les contribuables ou les juges, même s’ils ont envisagé l’offre, n’ont pas accepté une proposition aussi sinistre. Toutefois, ils ont plus tard conclu, avec un homme dont nous n’avons pu apprendre le nom, un accord de nature plutôt similaire, même s’il ne portait pas la même étiquette. L’Italien ne parlait pas anglais, sa condition misérable semblait affecter ses capacités mentales et il était, à tous les égards, sans défense. Ils sont prétendument arrivés à la conclusion qu’il valait mieux l’envoyer au consul italien à Liverpool, et ils ont pris arrangement avec l’homme mentionné précédemment pour qu’il amène le pauvre Italien jusqu’à Saint John, puis de là jusqu’à Liverpool pour la somme de 25 £. Ils n’ont toutefois pas pris la peine de s’assurer que cet engagement avait été respecté. Ils se sont débarrassés du fardeau et ne se sont plus préoccupés du sort d’un pauvre étranger estropié, dont ils croyaient que le destin n’intéressait personne. Selon une rumeur qui a circulé peu après le départ de l’Italien, celui-ci n’aurait pas été envoyé à Liverpool. Après enquête, on a déterminé que le pauvre, misérable créature sans défense, avait été mis sur un navire côtier à Saint John puis amené dans la Baie, et qu’il avait été débarqué à un endroit isolé près de Little River, dans l’État du Maine, sans abri ni couverture de quelque sorte et avec des provisions pour une seule journée. Incapable de bouger, il n’aurait pas pu se rendre à l’une des maisons environnantes et s’il n’avait pas été retrouvé, il serait assurément mort. Puisqu’il était incapable de se faire comprendre, il y avait un danger que, même s’il était retrouvé, il n’arriverait pas à faire comprendre comment on l’avait cruellement abandonné. Par chance, des enfants l’ont aperçu, ce qui a permis de le sauver, sinon ceux qui étaient impliqués dans cette brutale atrocité seraient peut-être maintenant en prison inculpés de meurtre. Heureusement pour eux, l’enquête a permis de découvrir qu’il avait été retrouvé avant de mourir de faim ou d’hypothermie; mais ce sera une honte pour la province si ces scélérats inhumains réussissent à s’en tirer sans être punis par le système judiciaire.

Source: Morning Freeman Correspondant, "Barbarie sauvage," Morning Freeman (St. John, NB), 15 septembre 1863.

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