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Les voyageurs qui se rendaient d’un endroit à l’autre en carrioles durant l’hiver, ou ceux qui voyageaient dans leur propre carriole tirée par leurs chevaux, jouissaient de tout le confort possible à cette époque. Ceux qui voyageaient à pied durant l’hiver sur les grands-routes où il y avait peu de relais routiers souffraient d’engelures et d’hypothermie s’ils n’étaient pas vêtus convenablement. En ces jours où les médias d’information étaient peu nombreux, il est impossible de savoir combien de gens sont morts. Il est presque certain qu’un homme a perdu ses deux jambes à cause du froid alors qu’il voyageait en plein hiver sur la grand-route qui relie Miramichi à Chipman. Cette histoire aurait peut-être un lien avec « Jérôme », l’inconnu de la Nouvelle-Écosse retrouvé sur la rive sud près de Weymouth en 1850, avec les deux jambes amputées près des hanches et qui est demeuré à la charge de la province durant soixante-quatre ans, jusqu’à sa mort en 1912. Au cours de cette longue période, son identité n’a jamais été dévoilée.

Un ingénieur, alors engagé à la construction de la Transcontinentale qui passait par Chipman, a mené sa propre enquête sur l’histoire d’un inconnu retrouvé presque mort de froid par les frères Conroy qui bûchaient près de la rivière Gaspereau à l’hiver 1848. En se rendant au travail un matin, après une nuit de froid mordant, ils ont trouvé un inconnu inconscient, les deux jambes gelées, couché sur une de leurs piles de bois. Conscients de son état critique, ils ont tout fait pour le ranimer avant de l’emmener à Gagetown où le Dr Peters lui a amputé les deux jambes au-dessus des genoux. Puis, pendant environ deux ans, une famille du nom de Galliger a pris soin de lui, et ce, aux frais de la paroisse. Il était maussade, sombre et ne prononçait jamais un mot. Ceux qui ont pris soin de lui étaient d’avis qu’il s’agissait d’un marin qui aurait voyagé à bord d’un bateau étranger, aurait accosté à Chatham et tenté d’atteindre le port de Saint John accessible en hiver en passant par la grand-route entre Miramichi et Grand Lac. Environ à la même période où il a disparu du comté de Queens, un bateau a été aperçu un soir au large de Weymouth, en Nouvelle-Écosse. Le lendemain matin, le bateau avait disparu et sur la plage était assis un homme sans jambes avec à ses côtés une carafe d’eau et des biscuits de marin. Il a été amené à la maison d’un pêcheur de l’endroit et l’on raconte qu’il y a vécu pendant soixante-quatre ans, sans dire un seul mot ni révéler aucun indice sur son identité. Plusieurs hypothèses ont bien sûr été émises quant à son origine et aux raisons pour lesquelles il avait été abandonné sur la plage. Étant donné qu’il ne portait pas de vêtements de marin, que ses mains étaient douces et semblaient n’avoir jamais accompli de dur labeur, et qu’il ne voulait ou ne pouvait pas parler, on en a fait le personnage d’histoires fantastiques. Il ne pouvait ou ne voulait répondre à aucune question, il ne faisait aucun effort pour exprimer sa gratitude à ses bienfaiteurs et n’émettait qu’un grognement qui ressemblait à « Jérôme » lorsqu’il était fâché, alors on décida de l’appeler Jérôme. Lorsque le commissaire des pauvres de l’endroit s’est plaint aux autorités provinciales qu’il ne devrait pas être responsable de l’entretenir puisque ce n’était pas un pauvre de la paroisse, le gouvernement provincial a assumé ces frais et à partir de ce moment, lorsque le budget annuel était adopté, une somme de 104,00 $ était destinée à Jérôme.

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Source: Frederic Addison McGrand, "Rétrospective des évènements survenus dans les comtés de Sunbury et de Queens " in Backward Glance at Sunbury and Queen's, (Fredericton: New Brunswick Historical Society, 1967), 146-147. Notes: Extrait d’un chapitre

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