LE PROCÈS DE L’AFFAIRE DONNELLY.
Le procès de James Carroll pour le meurtre de Judith Donnelly, a pris fin samedi dernier, à 4 h 30 de l’après-midi. Pendant l’instruction, on n’a recueilli que peu de preuves qui n’avaient pas déjà été amassées lors du procès préliminaire des prisonniers. Les directives du juge au jury, que nous rapportons, sont une récapitulation des témoignages recueillis et, comme on le constatera, Sa Seigneurie a fait un exposé davantage contre les prisonniers qu’en leur faveur. Après que le jury ait été confiné de 4 h 30 à 10 h 30, on a pu constater que sept étaient en faveur de l’acquittement, quatre souhaitaient la condamnation et un était indécis. Comme il n’y avait pas de possibilité d’unanimité, le jury a été libéré.
L’EXPOSÉ DU JUGE.
Judith Donnelly a trouvé la mort de main humaine dans la nuit du 3 février et, ayant déterminé qu’ils devaient découvrir des mains de qui le meurtre a été commis. Les responsabilités qui incombent lors d’une enquête de cette espèce, étaient bien sûr grandes, mais elles devaient être prises avec honnêteté et impartialité, avec rectitude, rigueur et courage. S’il y a eu un doute raisonnable, alors le doute dans une cause de cette espèce doit être accordé en faveur de l’accusé. Le doute, cependant, ne doit pas être un doute évoqué par ce qui a pu se produire dans des causes extérieures ou par des récits relatifs à la cause produits avant l’audience des témoignages. De la même manière, la preuve fournie en matière de moralité dans une cause de cette espèce peut s’avérer d’aucune importance, à moins que les autres témoignages soient d’une telle nature qu’il soit absolument impossible de déterminer si l’accusé était coupable ou non, et dans un tel cas une bonne moralité antérieure donnerait un indice qui permettrait de dire si le prisonnier peut vraiment être coupable d’un tel crime ou non. Si cette preuve de culpabilité était probante, alors la preuve en matière de moralité n’aurait pas d’effet du tout. Le jury s’entendra certainement sur le fait que les Donnelly ont connu une mort violente, et par un crime sans précédent dans ce pays pour son atrocité sauvage et sa férocité brutale. La pensée qu’un tel crime ait pu être commis dans ce pays chrétien et civilisé suffit pour glacer les sangs; mais si horrifiante que puisse être la brutalité de ce crime, il ne serait pas juste que le jury se permette de juger les preuves déposées contre les prisonniers accusés de l’homicide avec un esprit autrement qu’impartial. Les meurtres qui ont été perpétrés cette nuit-là n’ont rien à voir avec la vengeance d’une justice publique, qui a alors été appelée afin de démontrer que de tels actes sont inacceptables en ce pays. Si ce forfait est l’œuvre du Comité de vigilance, et qu’il en sort impuni, qui pourra prévoir quel autre forfait sera commis? Si ce forfait passe inaperçu, quelle garantie avons-nous que les autres qui sont devenus odieux envers les personnes qui ont fomenté ce complot contre l’ordre public, ne seront pas exterminés? Si les auteurs de ce crime sont en liberté, quelle certitude la population aura-t-elle qu’ailleurs dans le pays, des gens malintentionnés n’enlèveront pas les vies de leurs compatriotes?
[...] Sa Seigneurie, qui avait parlé pendant plus de deux heures, a ordonné au jury de se retirer.
Le jury s’est retiré à 4 h 30.
À neuf heures sa Seigneurie est revenue en cour et a déclaré : – Les jurés ont envoyé un message pour dire qu’ils ne pouvaient pas obtenir l’unanimité, et qu’il y avait peu de chances qu’ils y arrivent. Dans un cas de cette espèce, s’il n’y a pas de chance qu’ils arrivent consciencieusement à l’unanimité, je ne serais pas porté à les garder là pour qu’ils convainquent l’un d’eux qui pourrait avoir consciencieusement une opinion d’un côté ou de l’autre. Cependant, ils auraient mieux fait de prendre un peu plus de temps pour délibérer.
À dix heures et demie les jurés furent rappelés. En réponse au greffier, le président, Jas. Douglas, a dit qu’il leur était impossible d’être unanimes. Sept souhaitaient l’acquittement, quatre la condamnation et un juré était absolument indécis.
Sa Seigneurie a dit que ce n’était pas un verdict, et a demandé s’il y avait possibilité de s’entendre.
M. Douglas – Pas du tout.
Sa Seigneurie – Y a-t-il un point sur lequel vous souhaitez avoir des directives?
Mr. Douglas – Non, Monsieur, pas que je sache.
Sa Seigneurie a déclaré qu’il n’aimerait pas séquestrer les jurés jusqu’à lundi pour les contraindre à arriver à une décision. Il allait donc les libérer.
La séance a ensuite été levée.