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Principes de base

Tout le monde aime les histoires de meurtres et de mystères. De toutes les situations historiques auxquelles font face les chercheurs, la découverte qu’une personne innocente a été pendue ou qu’une autre, coupable, a été libérée provoque toujours un impact considérable. Les propriétés non linéaires et graphiques de l’Internet nous ont permis de concevoir des unités de cours qui attireront l’attention des élèves par le biais de leur appétit presque universel pour la morbidité et l’injustice.

Cependant, le mystère n’est qu’un appât pour amener les élèves vers une compréhension beaucoup plus complexe de l’histoire. Le mystère permet une introduction à la recherche archivistique et aux documents d’archives. Il permet d’enseigner la lecture, l’analyse et la pensée critique, la compréhension de différents points de vue et la capacité de penser de manière historique (c’est-à-dire de comprendre la façon dont les gens pensaient et agissaient à différentes époques).

Les enseignants connaissent l’attitude qu’ont plusieurs élèves vis-à-vis l’histoire enseignée à l’école : « c’est ennuyant ». Des études ont démontré ce que tout bon professeur d’histoire sait déjà : lorsque les élèves travaillent avec la « matière première » de l’histoire – les sources – ils démontrent beaucoup plus d’intérêt et d’enthousiasme pour leurs cours d’histoire. Par le biais des sites, on invite les élèves à utiliser les recherches historiques et leurs capacités de raisonnement pour résoudre un mystère, et ce, en utilisant une multitude de sources disponibles sur chaque site : des coupures de journaux, des dépositions, des aveux signés, des déclarations de témoins, des photographies, des cartes géographiques, des journaux personnels, des reconstitutions faites par des artistes et un ensemble d’écrits faisant référence à chacun des « cas ».

La fonction principale de ces sites n’est pas simplement d’amuser les élèves. Les sites ont été conçus pour rendre l’histoire intéressante, pour les aider à apprendre de manière plus efficace les problématiques et les évènements qui ont peuplé l’histoire du Canada. Les élèves apprendront aussi à développer une pensée critique face à l’histoire elle-même :

  • Qu’est-ce qu’une bonne interprétation historique?
  • Comment décider quelle est la preuve la plus convaincante?
  • Qu’est-ce qui rend un évènement important sur le plan historique?

En tentant de résoudre ces mystères, les élèves apprendront non seulement comment « faire » de l’histoire, mais ils acquerront aussi des compétences et des connaissances importances sur la manière de comprendre la multitude de renseignements dont ils sont bombardés tous les jours. De plus, certaines problématiques qui sont présentées assez durement dans les mystères font encore partie de nos vies ou se retrouvent dans les nouvelles – des problématiques comme le racisme, la violence faite aux enfants, le terrorisme et les droits des peuples autochtones.

L’approche pédagogique

Le site des Grands Mystères de l’histoire canadienne est la pointe d'un immense iceberg pédagogique. L'iceberg, ou la base, est un nouvel ouvrage portant sur l'apprentissage par l'action et « la recherche par documents » (Document Centred Inquiry — DCI). Vous trouverez à la fin de cet article une courte liste d'ouvrages portant sur cette philosophie.

Il est important de mentionner que ces sites pédagogiques n’ont pas été conçus pour être utilisés seuls. La grande partie de l'apprentissage survient lorsque les élèves analysent et discutent du site en classe ou lors d'une discussion animée en ligne. Contrairement à l'enseignement traditionnel de l'histoire, ces sites Internet font la promotion de l'idée selon laquelle l'histoire est un procédé actif de recherches critiques qui doit être exploré, plutôt qu'un ensemble de faits à mémoriser et à régurgiter lors de tests. Cela ne signifie pas que les élèves n’auront pas à apprendre de matière; au contraire, les élèves apprendront qu'ils ne peuvent pas analyser la preuve de manière critique sans comprendre les contextes historiques des évènements survenus. Les guides pédagogiques aident les enseignants et les élèves à lier la matière et les compétences de manière significative tout en satisfaisant les exigences des programmes d'enseignement de l'histoire à travers le Canada.

Chaque site est conçu pour stimuler la recherche de sources. Il n'est pas écrit comme une « histoire » ayant un début et une fin, mais plutôt comme une série d'indices — une collection de documents et d'images faisant référence à un mystère en particulier et à l'histoire sociale de façon plus générale. Les élèves devront élaborer leurs propres histoires autour de l'évènement. Les élèves les plus jeunes auront besoin plus que les autres d’être guidés pour savoir où chercher.

Le site s’échelonne sur quatre niveaux. Le niveau vers lequel les enseignants orienteront leur cours dépendra des capacités de leurs élèves. Les deux premiers niveaux sont conçus autant pour les élèves de l'école primaire que pour ceux de première année d'université. Le troisième niveau est conçu pour les étudiants au baccalauréat. Le dernier niveau est pour les étudiants finissants et pour ceux des cycles supérieurs.

Niveau 1 : lire et comprendre les sources

Le premier niveau est le plus simple. Chacun des sites donne un accès facile à une grande variété de sources sur un évènement précis de l’histoire canadienne. Il est difficile, et habituellement coûteux, d’obtenir ces documents, même pour des chercheurs expérimentés qui ont le temps et les ressources pour visiter plusieurs services d’archives. Pour les élèves qui ont peu d’expérience et qui ont un accès limité à Internet, l’étude des sources est pratiquement impossible. Pourtant, c’est la nature personnelle et immédiate des sources (lettres, journaux intimes et articles de journaux) qui en général nous permet de faire revivre le passé. Ces sources ont été retranscrites pour aider les élèves à les consulter. Ainsi, le premier niveau du site présente une grande variété de matériel original et certaines habiletés de base qu’utilisent les historiens. Idéalement, ce site leur donnera envie de poursuivre les recherches historiques.

Niveau 2 : explorer l’histoire sociale de la société canadienne

Au deuxième niveau, les élèves acquièrent une compréhension de base des principaux éléments de la société canadienne à une époque donnée et dans un certain contexte. En leur fournissant les bonnes questions et un encadrement propice à l’apprentissage, cette section permet aux élèves de découvrir facilement les éléments historiques au cours de leur recherche et de leur évaluation des faits liés aux mystères. En tentant de résoudre chacun des mystères, les élèves se penchent sur des problématiques qui sont encore d’actualité, telles que les différentes valeurs culturelles, la violence sociale, les relations familiales et même les changements économiques. En élucidant les mystères, ils examinent la vie des personnes ordinaires qui vivaient au Canada avant nous, et ce, jusque dans les détails de leur vie quotidienne. Ces mystères étant situés dans des environnements précis, ils font renaître une période historique d’une manière qui serait impossible à percevoir si l’échelle de référence couvrait une plus grande époque. Afin de consolider leur apprentissage, on peut poser aux élèves des questions qui reposent sur des faits spécifiques ou des questions d’interprétation d’un niveau supérieur qui les poussent à utiliser le site pour trouver des réponses précises.

Niveau 3 : faire de l’histoire

Au troisième niveau, on amène les élèves à « faire de l’histoire ». Les élèves traversent une série d’étapes tout en apprenant comment se pratique la profession d’historien. Au début, le site semble original et même amusant aux yeux des élèves qui l’explorent. Rapidement, ils sont confrontés aux complexités et aux difficultés de la profession d’historien. Les élèves se trouveront, probablement pour la première fois, devant des témoignages qui ne sont pas établis sous une forme linéaire ou narrative. Ils ne seront pas toujours heureux de constater que « faire de l’histoire » signifie créer son propre récit à partir de témoignages complexes et souvent contradictoires qui doivent tous être évalués selon des normes spécifiques. En leur demandant simplement de décrire « ce qui s’est passé », on les force à évaluer les témoignages et à choisir ceux qu’ils considèrent les plus fiables. À ce niveau, les élèves « font » ou « construisent » l’histoire : ils utilisent leurs propres aptitudes critiques pour évaluer la preuve et bâtir leur argumentation.

C’est à ce moment que les étudiants peuvent tirer pleinement profit des discussions de groupe et des ateliers, éléments indispensables pour l’utilisation du site comme outil d’apprentissage. Si cela n’est pas possible, un groupe de discussion en ligne, animé par un instructeur, pourrait servir de substitut. Les étudiants pourront discuter des détails de l’affaire et de la vie des nombreux individus qui y sont associés. On peut leur demander de défendre leur interprétation en révélant les stratégies qu’ils ont utilisées pour discerner les témoignages contradictoires. Les enseignants pourront, au cours de cette étape, mettre les stratégies efficaces d’interprétation en évidence pour ceux qui les ont utilisées inconsciemment ou pour ceux qui ne possédaient pas d’habiletés à juger. On pourra encourager les étudiants à élaborer un schéma pour analyser les témoignages historiques et à les présenter ensuite à leur groupe de discussion.

Puisque les étudiants opteront pour différentes stratégies de recherche – et seront donc confrontés à différents types de témoignages – ils en viendront inévitablement à différentes conclusions à propos de la « véritable » nature des mystères. Que ce soit par des jeux de rôle, des discussions en classe ou des travaux écrits, ils devront consolider leur compréhension des mystères et des procès dans leur contexte historique en montant un plaidoyer en faveur de leur interprétation. De cette façon, le récit de chacun des mystères renverse la logique des textes standards et des formats d’apprentissage. Trop souvent, un texte, comme un cours magistral, soulève un thème et tente ensuite d’invoquer une « conclusion rhétorique » en donnant l’interprétation la plus convaincante qui fait autorité. Par contraste, ce mode d’organisation n’a pas de limite; il est conçu pour susciter les discussions sur des questions d’importance, telles que le racisme, la justice ou les relations économiques, dans un cadre historique ou géographique spécifique, pendant que les étudiants travaillent à la résolution d’un mystère. Au lieu de leur donner les réponses, on donne aux étudiants les critères qui leur permettront de comprendre les évènements du passé.

Niveau 4 : qu’est-ce que l’histoire et comment peut-on la connaître ?

Pour les étudiants plus avancés, le site Web fonctionne aussi à un quatrième niveau, soit à un niveau historiographique ou épistémologique. Puisque les étudiants auront étudié le même corpus d’information et à peu près les mêmes témoignages de base, et qu’ils en viendront cependant à différentes conclusions, ils peuvent être confrontés à des questions sur le statut du savoir historique et l’interprétation des faits. S’ils en viennent à diverses conclusions, ils peuvent discuter de la nature interprétative et provisoire de l’« Histoire » et de l’importance de comprendre le rôle de l’historien en tant que médiateur. Si les enseignants le désirent, ils peuvent inclure des critiques poststructuralistes de l’histoire et des études au moyen des documents sur chacun des sites. À ce niveau, le site Web permet aux étudiants d’explorer certaines des questions théoriques les plus importantes dans cette discipline.

Nous espérons que ces sites vous apporteront, ainsi qu’à vos élèves, une source enrichissante de connaissances.

Ruth Sandwell
John Lutz

Lectures de référence

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